jeudi 13 octobre 2016

[Livre] La salle d'attente de Tsou Yung-Shang

Piranha - 1 Septembre 2016
192 pages
Date de sortie originale : Janvier 2013
Titre Vo : Denghou Shi

Dans la salle d'attente d'une administration, un homme patiente. Plus qu'un visa, ce sont des réponses au sens de sa vie qu'il espère... Xu Mingzhang a rencontré son épouse à l’université de Taipei. Leurs amis ont bien du mal à comprendre ce qui les unit : c’est une étudiante ambitieuse et très en vue, alors que lui est réservé, toujours plongé dans ses livres. Il la suit pourtant en Allemagne où il s’enferme peu à peu dans un monde intérieur fait de lectures et de silences. Jusqu’au jour où elle lui annonce qu’elle le quitte. Désormais installé seul à Berlin, il attend qu’une fonctionnaire décide ou non de prolonger son visa et surtout, de trouver un sens à sa vie, loin de son île natale.
(Source : Piranha)


14/20


La salle d'attente s'ouvre de la même façon dont elle se termine : avec simplicité. Dans ce premier roman de l'auteur Taïwanaise Tsou Yung-Shan, je me suis à nouveau heurtée avec plaisir à cette écriture pleine de langueur avec un côté très simpliste, très épuré, que je retrouve (et adore) énormément dans la littérature asiatique.

C’est comme écouter une mélodie neutre mais ponctuée de notes poétiques qui lui donnent un charme froid mais interpellant et dont la beauté se révèle progressivement. J’ai beaucoup aimé voir Xu Migzhang parler de la façon dont il se sent, de sa relation passée avec sa femme, de cette étrange sentiment d’humidité qui enrobe les choses autour de lui, de son appartement à son cœur, ou bien sa façon de parler des arbres, de l’eau, de l’air. Pas de fioritures, juste des pensées brèves et succinctes attrapées au vol.
« 7h30. Il est assis dans la salle d'attente du bureau du ministère des Affaires étrangères, la tête baissée. Il n'a pas lu, pas regardé autour de lui pour passer le temps. Parfois, des gens, à côté de lui, discutent dans des langues différentes ; le plus souvent, il ne comprend pas. Parfois, du couloir, lui parviennent des bruits de conversations en chinois. Avant, il aurait levé la tête, à présent il n'y fait même plus attention. »
Pour peu qu’on accepte de se poser un instant (impossible de lire le roman ailleurs que chez moi au calme, c’est une histoire qu’on doit prendre le temps de découvrir), on se retrouve emporté dans la lassitude et la monotonie de ces personnages étrangers ou allemands (l'histoire se déroulant en Allemagne), qui gravitent autour du thème de l’immigration. Le ton des différents récits est loin d'être édulcoré, l'atmosphère globale du roman est très grise, l'écriture n'a pourtant rien de lourde, on se laisse porter par le fil des différentes histoires (qui s'entrecroisent ça et là) sans s'enliser une seule seconde dans cette espèce de lassitude et de tristesse qui gravitent autour des personnages.
« Quand sa femme lui avait annoncé qu'elle voulait le quitter, il n'avait rien dit, il s'était plongé dans le roman qu'il tenait à la main, il avait évité de la regarder en face, elle avait attendu, attendu de voir s'il allait enfin se décider à dire quelque chose, mais il n'avait rien dit, il donnait l'impression d'accepter cela facilement, mais ils savaient tous deux que c'était de sa part une attitude de refus. »
Concernant l'immigration, la façon dont le thème est abordé est très juste. Les questions identitaires sur ce qui définie un homme à propos de ses racines, de l’endroit d’où il vient et vers l’endroit où il atterri, des barrières culturelles et linguistiques sont amenées avec finesse. Même si le sujet n’est pas totalement approfondi car on reste dans un constat rendu très subjectif par les points de vues des personnages, il est très appréciable d'avoir un regard surtout porté sur le ressenti et non sur le côté froid, clinique et administratif de l’immigration. 

Pas de chiffres ici, juste de l'humain ! C'est ce qui fait de La salle d'attente un livre si intéressant à découvrir. Et malgré la lourdeur apparente du ton du récit, il est facile de se laisser emporter par tous ces personnages dont les histoires de vie nous renvoient peut-être, à un moment où l'autre, à ce que nous aurions été, à ce que nous pourrions, un jour, être.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire