mardi 16 août 2016

[Livre] POLICE d'Hugo Boris

Grasset - Août 2016
198 pages
Date de parution originale : 24 août 2016

 Ils sont gardiens de la paix. Des flics en tenue, ceux que l’on croise tous les jours et dont on ne parle jamais, hommes et femmes invisibles sous l’uniforme. Un soir d’été caniculaire, Virginie, Érik et Aristide font équipe pour une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Mais Virginie, en pleine tempête personnelle, comprend que ce retour au pays est synonyme de mort. Au côté de leur passager tétanisé, toutes les certitudes explosent. Jusqu’à la confrontation finale, sur les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle, où ces quatre vies s’apprêtent à basculer. En quelques heures d’un huis clos tendu à l’extrême se déploie le suspense des plus grandes tragédies. Comment être soi, chaque jour, à chaque instant, dans le monde tel qu’il va ?
(Source : Grasset)


14/20

POLICE est là mise sous-tension de trois collègues, de trois policiers, qui se retrouvent, un soir, chargés de la mission d'escorter un réfugié à l'aéroport Charles de Gaulle dans le but de son expulsion du pays.
Si le sujet traité par Hugo Boris est évidemment d'actualité – souvent exposé du point de vue des victimes et donc de l'horreur de la chose -, il est ici pointé du doigt dans un huis-clos finement mené et surtout, très humain.
« Par terre, son gilet pare-balles tient tout seul, donne l'illusion qu'elle a arraché sa cage thoracique pour la poser là un instant. Elle s'est voûtée sous son poids au cours de la journée. Elle redresse la tête, son visage est le même dans le miroir du lavabo. Il ne trahit pas sa pensée, celle d'être une femme qui avorte demain. »

Les trois policiers ne sont pas présentés comme des bourreaux sans cœur, on apprend furtivement à connaître des fragments de leur vie, de leur passé, de leurs sentiments intérieurs aussi. Des images qui laissent transparaître beaucoup d'humanité (et de failles), tout autant que dans leur façon d'aborder leur mission nocturne et de se heurter à la réalité quant à l'expulsion de certains réfugiés.
« Le sang sur son treillis n'est pas le sien. Elle est intervenue sur une bagarre plus tôt dans la journée , se sera salie à cette occasion. Elle est seule dans le vestiaire, debout à côté du lavabo , jambes nues sur le carrelage, à fouiller parmi les pantalons de son casier. Elle en passe un premier qui lui arrive à mi-ventre. Elle sait que le poids du ceinturon, de l'arme, du chargeur, des menottes et de la matraque fera redescendre le treillis au niveau des hanches. »

La reconduite à la frontière du réfugié reste le sujet central du livre, mais la façon dont il est traité – en toile de fond parfois - laisse l'esprit de Virginie, la policière qui fait le plus office de personnage principale, se disperser vers des sujets personnels tels la maternité, l'adultère, la difficulté d'être une femme dans un monde d'hommes. Cette façon constante de s'éloigner du sujet du roman pour y revenir m'a énormément plu, on a réellement l'impression de se retrouver plongé dans l'esprit en pleine introspection de quelqu'un se retrouvant tiraillé par ses choix, ses valeurs et cogite sur les décisions à prendre, qu'elles soient immédiates ou non.

Avec ce huis-clos qui ne dure que le temps de quelques heures, d'une voiture de police à un aéroport, Hugo Boris prend le parti-pris de traiter le sujet des réfugiés d'un point de vue assez différent de celui que l'on peut avoir d'ordinaire. Ici, le réfugié ne participe pas réellement au cheminement internet de l'histoire, il n'est que la cause, la cassure dans la vie des trois policiers, celle qui les amène à remettre en question leur vie et leur métier. Ce point de vue ciblé sur la Police est un parti-pris qui aurait pu paraître risqué si l'auteur ne l'avait pas abordé avec autant de finesse, de normalité et d'humanité. Un très bon roman sur le sujet qui, comme le laisse suggéré la typographie du titre du livre sur la couverture, nous permet, le temps d'un instant, de passer de l'autre côté du miroir, de l'autre côté de l'uniforme.




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