mercredi 25 mai 2016

[Livre] Un parfum d'herbe coupée de Nicolas Delesalle

Lgf - Le livre de poche, 2016
256 pages
Date de parution originale : 7 janvier 2015

Par petites touches qui sont autant d’instantanés de vie, Kolia convoque les figures, les mots, les paysages qui ont compté : la route des vacances, les filles, Totor le paysan aux cèpes et la maison de famille, des livres, quelques sauterelles, Raspoutine le berger allemand… Des petits riens qui seront tout.
(Source : Préludes)

18/20

Attention, préparez-vous à remonter le temps. Pas de science-fiction ici, pas de voyage temporel à bord de DeLorean ou de machine tout droit sortie de l'imagination d'H. G. Wells. Chez Nicolas Delesalle, on voyage à travers les souvenirs. Et quel voyage...
« Personne n'a jamais réussi à photographier cet instant magique et maudit qui fait d'une jeune fille une femme, d'un jeune homme un homme et d'une enfance un souvenir. »
J'ai vingt-deux ans et plonger dans ces souvenirs qui viennent d'un autre âge est une expérience troublante. C'est comme observer de derrière une fenêtre une époque révolue, comme épier de derrière les rideaux toutes ces choses que nos parents et grand-parents ont connu et qu'on ne connaîtra jamais. Comme toucher du bout des doigts une nostalgie qui ne nous appartient pas vraiment. Je n'ai que deux décennies de vie, je suis encore trop jeune pour la vraie nostalgie, mais celle de Nicolas Delesalle me percute et me ramène en enfance. Dans la mienne, et dans la sienne aussi.
« Autour de nous, je n'entends que le cisaillement des grillons. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas quoi dire. Alors je ne dis rien et je ne fais rien. Je retourne me coucher. Je retourne me coucher mais j'ai changé. C'est la première fois que je vois mon père pleurer. »
L'histoire n'a rien de linéaire, l'auteur nous expose, chapitre après chapitre, des tableaux de son enfance, de son adolescence, de sa vie d'adulte. La construction est décousue, ne suit pas de logique particulière, on se contente de lire chaque souvenirs, dont la longueur varie, rassemblant ainsi les pièces du puzzle, ces morceaux de vies, qui permettent de construire Kolia, le narrateur.
« Papito, du haut de tes ruines, tu m'as dit la vérité toute nue alors que je l'aurais préférée accrochée à un ballon d'hélium et vêtue d'un truc sexy. Tout passe, tout casse, tout lasse. Ça m'a longtemps agacé. J'ai eu du mal à l'accepter. J'ai longtemps eu le sentiment de vivre à blanc, pour rien du tout. Dans trois générations, mon arrière-petite-fille ne connaîtra pas mon prénom. Elle ignorera tout de ma vie. Ma famille. Mes amours. Mes amis. Mes souvenirs. »
J'ai rarement été autant touchée en lisant un roman ou devant un style d'écriture. Celui de Nicolas Delesalle a su me trouver et faire vibrer ma corde sensible. Souvent, j'ai souris, mais encore plus souvent, je me suis retrouvée en larmes, complètement désarçonnée par les mots choisis, les figures de styles employées (dont l'auteur est friand) et la tournure des phrases qui forment ensemble un amalgame nostalgique dont j'ai eu du mal à me défaire une fois ma lecture terminée. Le style de l'auteur a beau s'entourer d'une certaine légèreté, celle des souvenirs, il y a de la gravité enfouie dans tous ces segments de vie. La gravité de l'oubli et de la finitude de toutes choses, de l'enfance, d'une époque, de la mémoire, de la vie aussi.
« Les adultes font souvent mine de s’étonner du désespoir baroque des adolescents, mais cet étonnement est un leurre, ils n’y croient pas eux-mêmes ; au fond, ils savent très bien à quel point c’est compliqué de se relever quand on tombe de son enfance. »
Laissez-vous embarquer dans la spirale de Nicolas Delesalle, dans ses rêves d'enfants et  questions de jeune adulte, sa famille, ses premières fois, les grands événements - personnels ou non - ayant entourés sa vie et dans ses pensées d'une poésie pleine de justesse et de nostalgie.



mercredi 18 mai 2016

[Livre] La Proie des âmes de Matt Ruff

Points - 2006
669 pages
Date de parution originale : 4 février 2003
Titre VO :
Set This House in Order: A Romance of Souls 


Andrew Gage est « né » il y a tout juste deux ans, pour servir de porte-parole à un corps souffrant du trouble de la personnalité multiple. Alors qu'Andrew gère le monde extérieur, il existe dans sa tête une maison imaginaire abritant plus d'une centaine d'âmes qui tentent avec peine de cohabiter. Penny Driver, la nouvelle collègue d'Andrew, est elle aussi atteinte du syndrome de la personnalité multiple — un fait qu'elle ignore en partie. Mais lorsque certaines âmes de Penny prient Andrew de les aider, celui-ci accepte à contrecœur, et met alors le doigt dans un engrenage qui entamera l'équilibre de sa « maison » et risquera sa perte.
(Source : Seuil)

19/20

La Proie des âmes est l'un des meilleurs thrillers qu'il m'ait été donné de lire et, à la fois, l'une de me plus fortes expériences littéraires. Les mots sont forts, mais je le pense vraiment. Rarement j'ai été aussi absorbée et fascinée par un roman.
« Savoir qui je suis, c'est savoir pourquoi je suis, et j'ai toujours su qui j'étais, depuis les tout premiers instants. »
Tout commence par la découverte d'Andrew. Andrew est la dernière âme en date du corps d'Andy Cage. C'est le possesseur du corps lorsque le récit débute. Des âmes, un corps ? Oui, si tout ceci peut sembler un peu étrange au début, on comprend bien vite de quoi il retourne : les troubles de la personnalités multiples. C'est de cette pathologie dont souffre Andy Cage. Des années de thérapie lui ont permis d'apprendre à maîtriser ses différentes personnalités (appelées "âmes" ici) et à les faire cohabiter entre-elles au sein du "corps". Et c'est en effet à une véritable cohabitation à laquelle on assiste, chacune des âmes se partageant le corps au rythme de la journée, des activités que chacun aime plus ou moins faire (une âme s'occupe de la douche, une autre aime lire le journal, untel prend des œufs au petit déjeuner, quand untel préfère du café) et des caractères souvent très différents de tous. L'exercice n'est donc pas des moindres, mais Andrew, l'âme principale du corps depuis quelques années, s'en sort plutôt bien... et Matt Ruff aussi !
« C'est l'horreur. Perdre conscience du temps qui a passé, ce n'est jamais bon - c'est un signe de folie, et cette folie prouve que Penny est une horrible femme, une bonne à rien -, mais il y a des degrés dans l'horreur, et se retrouver ainsi au lit avec un inconnu, c'est toucher le fond. »
Imaginez un peu, faire passer par écrit toute la complexité d'un psychisme humain fractionné en plusieurs personnalités... C'est littéralement bluffant. Au fil de ma lecture, je ne revenais pas de l'aisance de l'auteur à nous exposer l'univers d'Andrew de façon si limpide. J'étais fascinée. Car pour réussir à faire coexister ses âmes, le protagoniste a érigé à l'intérieur de son propre esprit tout un paysage avec en son centre une maison où chaque âme réside, une véritable nouvelle scène à l'intérieur de la tête de notre protagoniste. Un véritable lieu où l'intrigue se joue au même titre que dans la vie réelle.
On récapitule : un personnage principal qui est en fait une centaine de personnes à lui tout seul, une intrigue qui se joue sur un plan réel et un plan psychique... le tout relaté avec brio. Bref, dur de refréner sa fascination.
« Connaissez-vous la sensation que l'on éprouve lorsque, suivant tranquillement son bonhomme de chemin, sans se préoccuper du temps qu'il fait, on se laisse surprendre par les nuages qui cachent brusquement le soleil et que, la lumière se faisant rare, on se retrouve soudain dans un tout autre paysage que celui dans lequel on évoluait une seconde plus tôt ? Eh bien, cela m'a fait le même effet : en l'espace d'un instant, la physionomie de ma journée a été bouleversée. »
La petite mécanique d'Andrew était donc bien rodée, aidé par sa psychiatre, la charmante vieille dame lui servant de colocataire et Julie, sa patronne, toutes au courant de la particularité d'Andrew. Jusqu'au jour où Julie décide d'engager Penny au sein de leur petite entreprise. Penny qui, elle en est persuadée, souffre du même problème qu'Andrew... Et les ennuis commencent ! Les deux personnages se retrouvent embarqués dans une aventure sous forme de road trip précipité vers les secrets qui entourent le passé de Penny.

Ponctués de rebondissements, de souvenirs refoulés, de révélations surprenantes et de changements de personnalités constants, l'intrigue de la Proie des âmes est palpitante à suivre et à découvrir. Je suis ressortie de ce thriller psychologique conquise, ébranlée et fascinée.





mardi 10 mai 2016

[Livre] Orgasme de Chuck Palahniuk

Sonatine - Mars 2016
359 pages
Date de parution originale : 21 Octobre 2014
Titre VO : Beautiful You 

Penny Harrigan, jeune femme modèle et aspirante avocate, travaille dans un prestigieux cabinet new-yorkais. C’est là, au détour d’un couloir, qu’elle rencontre le magnat des médias, Linus Maxwell, venu régler les détails de son divorce avec la star française Alouette d’Ambrosia. Le soir même, Linus invite Penny à dîner. 
(Source : Sonatine)

15/20

Les femmes du monde se faisant toutes subitement mener à la baguette (non, au sextoy !), vous y croyez-vous ? Un certain Chuck Palahniuk ne s'est pas privé de l'imaginer, il en a même fait un roman !
Orgasme (on passera sur le titre bien aguicheur de la version française, qui était beaucoup plus classe dans sa version originale anglaise : Beautiful You) ne fut pas forcément la lecture jouissive que j'attendais, mais ne fut pas un mauvais roman pour autant. Si le livre n'égale pas, à mes yeux, un Palahniuk au plus grand de son oeuvre, ce n'est pas le pire de ses romans (*louche du côté de Damnés*) et l'auteur à au moins le mérite de s'être un peu renouvelé.
Alors, finalement, de quoi ça parle, qu'est-ce qui cloche avec ce nouveau roman et y-a-t'il vraiment quelque chose qui cloche ?

Orgasme est le récit d'une jeune femme ordinaire qui voit brutalement (et c'est peu dire, à coup de gadin, de café latte renversé, de jupe remontée et de fesses à l'air) rentrer dans sa vie le jeune milliardaire le plus en vue de la planète : Linus Mawxell. Le riche businessman pose ses griffes sur la jeune femme et l'entraîne peu à peu dans sa quête du plaisir (du plaisir oui, mais du plaisir féminin !) effréné. 
« Elle avait fait l’amour mais n’avait jamais connu l’orgasme, le véritable orgasme, le genre d’orgasme tonitruant qui vous donne des fourmis dans la mâchoire, celui dont elle avait entendu parler dans Cosmopolitan. »
Pour commencer, ne vous fiez surtout pas au titre, à la couverture rose fluo ou aux prétendus airs de roman féministe que cacherait Orgasme. On est bien loin du roman érotique et idéaliste qui mettrait la femme sur un piédestal ! S'il est question de femmes, il n'y a rien de féministe dans l'histoire de Palahniuk, ne serait-ce que dans son héroïne Penny Harrigan, jeune femme banale, stagiaire dans un cabinet d'avocat, qui ne semble pas particulièrement ambitieuse (un peu engoncée dans cette idée que l'homme reste la cible à abattre et que malheureusement étant une femme...), pas particulièrement débrouillarde, qui a même l'air un peu gauche souvent, et surtout, qui n'hésite pas à se jeter dans les bras de Maxwell, le "méchant Prince charmant" de l'histoire. Quand au sexe, il est clairement présent dans le livre puisque l'histoire tourne autour du plaisir féminin, mais le roman n'a rien d'érotique, bien au contraire. Chaque scène évoquant le sexe, chaque ligne relatant l'une des expériences sexuelles de Maxwell sur Penny possède un caractère si scientifique et si froid qu'il est difficile de trouver les passages concernant plus émoustillants que glacials. 
« Elle n’était que la fille à tout faire. Elle n’était rien. Une petite plouc idiote qui avait débarqué à New York en rêvant d’y rencontrer… son destin. N’importe quel destin. La vérité, la dure vérité, c’était qu’elle ne réussirait sans doute jamais à l’examen du barreau. Elle passerait sa vie à classer des papiers et à chercher des cafés. Il ne lui arriverait jamais rien de merveilleux. »
Car c'est ce qu'est le roman en définitive : une mise en scène glaçante sous forme de satire sur le contrôle des masses, le pouvoir des médias et la quête du plaisir. Une mise en scène dans laquelle l'auteur utilise les femmes (et si c'est à travers leur plaisir sexuel qu'elles sont manipulées, Palahniuk ne se gêne pas pour jeter des piques sur la société de consommation dans son ensemble : vêtements, chaussures, livres - la bit-lit surtout, ce qui m'a bien fait rigoler-, tout y passe plus ou moins).
« "Tu n’es pas au courant ? hurla Monique. Les hommes sont devenus obsolètes !"  La phrase lui valut quelques applaudissements de la part des femmes autour d’elle. Monique s’adressa à elles. "Tout ce qu’un homme peut me faire, je peux le faire aussi, mais en mieux !" Elle claqua des doigts d’un air méprisant, en faisant briller les cristaux collés sur ses ongles. »
Cet aspect de l'histoire, avec son lot de parodie et d'humour grinçant sur fond de vérité, m'a bien plu. C'est du Palahniuk tout craché. On reconnaît sensiblement l'auteur dans sa volonté de se moquer et de dénoncer les dérives de la société, de façon toujours plus ou moins flagrante. Dans son cynisme, son exagération et sa façon d'utiliser l'incorrect. Reste que, pour une fois, lisant un roman de l'auteur, je n'ai pas toujours eu l'impression de lire un roman de celui-ci. C'est cette impression qui m'est souvent restée collée à l'esprit et que je tiens pour responsable de ma petite déception vis-à-vis du livre. Du Palahniuk, certes, mais pas forcément comme je l'aime tant. Alors, est-ce à cause du style globalement plus épuré ( pas d'anaphores cette fois-ci, pourtant, je les ai cherché !), de son ton moins outrageux (enfin, tout dépend à quoi on est habitué je suppose, mais certainement moins malsain en tout cas), du caractère de son héroïne qui, si elle est attachante, reste très simpliste et banale comparée aux autres héroïnes de l'auteur, ou encore à cause de l'histoire en elle-même, satire plus réaliste (et encrée dans une certaine réalité) que les autres romans que j'ai pu lire de l'auteur... Peut-être.
« Cela faisait si longtemps que l’on se servait allègrement du sexe pour attaquer le cerveau des jeunes hommes que la société avait accepté cette pratique. »
En tout cas, si cet Orgasme m'aura laissé un petit goût de déception, on peut au moins reconnaître à Chuck Palahniuk sa faculté à puiser dans son temps pour, armé de sa plume acerbe et de ses idées tordues, nous livrer des histoires qui se moquent intelligemment, restent à l'esprit et se démarquent du lot ! Avec ce conte moderne dans lequel les femmes sont l'instrument de ses idées diaboliques et qui alterne entre plaisir, contrôle, rapport homme/femme et pouvoir des médias, il fera certainement mouche une fois de plus.





samedi 7 mai 2016

[Livre] Room d'Emma Donoghue


LGF - Le livre de poche, 2013
456 pages
Date de parution originale : 13 septembre 2010

Sur le point de fêter ses cinq ans, Jack a les préoccupations des enfants de son âge. Ou presque. Il ne pense qu’à jouer et à essayer de comprendre le monde qui l’entoure, comptant sur sa mère pour répondre à ses questions. Celle-ci occupe dans sa vie une place immense, d’autant plus qu’il vit seul avec elle dans la même pièce, depuis sa naissance. Il y a bien les visites du Grand Méchant Nick, mais la mère fait tout pour éviter à Jack le moindre contact avec lui. Jusqu’au jour où elle comprend qu’elle ne peut pas continuer à entretenir l’illusion d’une vie ordinaire. Elle va alors tout risquer pour permettre à Jack de s’enfuir.
(Source : LGF - Le livre de poche)

16/20

Room (le film de Lenny Abrahamson) étant l'un de mes coups de cœur de l'année, il fallait bien que je jette un œil au roman dont l'histoire est tirée. En plus de ça, le livre est tombé à la Lecture Commune d'avril sur Booknode, je n'avais donc plus aucune excuse pour repousser ma lecture.

Comme j'avais vu le film bien avant de lire le livre, je n'ai pas eu pas de réelle surprise du côté de l'histoire (le long métrage étant globalement très fidèle dans les premières parties du roman), par contre, j'ai beaucoup aimé lire le récit à travers les yeux de Jack. Ce parti-pris m'a un peu surprise au début, je m'attendais plus à avoir le point de vue de la mère ou une alternance entre celle-ci et l'enfant. Et finalement, je suis bien contente que l'auteur ait choisi Jack. J'ai aimé sa vision des choses, très naïve et si conditionnée à l'univers qu'il a toujours connu, ses caprices, ses idées qui semblent tellement farfelues et la façon dont il se heurte à ce Dehors si étrange dont il ignore beaucoup de choses. Ses tics et expressions de langage aussi, qui sont deux des choses qui m'ont vraiment touchée chez lui. Tout ça m'a beaucoup plu. Ça m'a un peu fait penser aux Pays sans adultes d'Ondine Khayat, le côté trop moralisateur et éthéré en moins. Chez Emma Donoghue, tout semblait beaucoup plus réaliste et juste.
« Les forêts existent que dans Madame Télé comme les jungles et les déserts, et aussi les rues, les immeubles et les voitures. Pareil pour les animaux sauf les fourmis, Petite Araignée et Mademoiselle Souris mais elle est partie maintenant. Les microbes existent pour de vrai, comme le sang. Les petits garçons n’habitent que dans Madame Télé mais ils me ressemblent un peu, enfin à moi dans Monsieur Miroir où j’existe pas en vrai non plus, juste en image. »
La façon dont est construite l'histoire permet de bien s'immerger dans la vie de Jack et de sa maman. On nous introduit en douceur dans leur petit microcosme, et j'ai beaucoup apprécié la façon dont le récit évolue par la suite. C'est un des détails qui me concilie avec le roman, parce que, souvent, j'ai cette impression de "trop vite" qui s'installe, comme si, brusquement, les personnages d'un livre se réveillaient lorsque leur histoire commence alors qu'ils vivent plus ou moins de la même façon depuis des lustres. Je trouve que l'élément déclencheur est assez bien amené ici. Ça semble logique (ça l'est) et renforce le sentiment de réalisme qui se dégage du récit.
« Avant j'avais pas l'idée de vouloir sortir, ma tête était trop petite pour y mettre le monde de Dehors alors j'imaginais pas qu'il existait. Quand j'étais tout petit je pensais comme un petit mais maintenant que j'ai cinq ans, je sais tout. »
Si j'ai adoré Room dans ses premières parties, je suis cependant un peu plus réservée pour la suite et la fin du roman, pour tout ce qui touche au Dehors. C'est intéressant de voir la façon dont Jack s'adapte à son nouvel environnement, mais je n'ai pas trouvé ça aussi touchant que lorsqu'on le suivait lors de sa captivité, et les réactions des autres personnes autour de lui tendaient même à m'agacer. En plus, cette partie diverge beaucoup du film, donc ça m'a un peu déstabilisée. Je ne sais pas si c'est du au fait d'avoir vu le film en premier, mais j'aime moins la façon dont ces moments sont abordés dans le livre finalement. C'est moins poignant.
« "Vous avez pris une décision que certains experts qualifieraient d'étrange ; vous avez enseigné à Jack que le monde mesurait environ trois mètres sur trois et que tout le reste -tout ce qu'il voyait à la télé ou entendait raconter dans ses quelques livres- était purement imaginaire." »
La fin du livre a beau m'avoir un peu moins captivée, Room reste néanmoins une très chouette découverte. Un roman poignant, frappant, qui ne laisse pas insensible. Comment rester de marbre face à la façon dont ce petit garçon de cinq ans appréhende le monde ou face au courage incroyable dont fait preuve sa mère ? Les psychologies des personnages étant en plus de ça vraiment travaillées, le roman permet de réfléchir sur les difficultés endurées par ceux-ci, sur leur évolution et sur la façon dont la société moderne fonctionne aussi (le regard qui est parfois porté sur la mère et la façon dont elle a élevé son fils m'a profondément dérangée). Une lecture dont on ne sort certainement pas indifférent. 




mardi 3 mai 2016

[Film] Nos souvenirs de Gus Van Sant

Américain - 1h50
Année : 2016
Sortie en France le 27 avril 2016
Avec : Ken Watanabe, Matthew McConaughey, Naomi Watts
Titre VO : The Sea of trees

Un Américain et un Japonais se rencontrent dans la "Forêt des suicides" au Japon, là où ceux qui souffrent trop pour continuer à vivre, mettent fin à leurs jours. Mais au lieu de se tuer, le duo se lance dans un voyage initiatique à travers cette forêt... 
(Source : Allociné)

16/20

Il y a quelques semaines, on m'a (quasiment) mise de force devant Last Days de Gus Van Sant, c'était ma première approche du réalisateur depuis Elephant et, si j'aime l'approche contemplative du réalisateur, j'avoue que je gardais une impression très ennuyeuse de ces deux films (Last Days n'ayant pas aidé avec sa trame vraiment très très lente).
Et puis il y a quelques jours, Nos souvenirs, le dernier long métrage de Van Sant, pointe le bout de son nez, avec au casting Matthew McConaughey, Ken Watanabe et Naomi Watts... Trois acteurs que j'aime beaucoup, un réalisateur qui malgré tout continue de m'intriguer et un synopsis qui parle de la forêt Aokigahara, la tristement célèbre forêt des suicides, l'un des lieux au Japon qui me fascine le plus. Il ne m'en a pas fallu plus pour attiser mon envie et ma curiosité !



Nos souvenirs est une histoire à deux temps, qui jongle du passé au présent pour nous reconstruire les derniers mois d'Arthur Brennan et expliquer sa présence à Aokigahara. Les souvenirs laissent place aux scènes dans la forêt, puis à d'autres souvenirs. Avec son atmosphère fantasmagorique, ses arbres tordus et ses légendes obscures, j'ai trouvé qu'Aokigahara était un lieu totalement en osmose avec la réalisation de Gus Van Sant. Ça se marie à la perfection avec le style lent et contemplatif du réalisateur, à cette aura un peu mystique qui englobe les longs silences dont il sait si bien ponctuer ses films.



Le film possède de nombreuses longueurs mais qui s'accueillent plaisamment plus qu'elles ne se subissent. Des plans de la forêt dans la brume ou du soleil qui joue dans le feuillage des arbres en passant par les dialogues (parfois silencieux) qui prennent leur temps, rien ne m'a ennuyé dans Nos souvenirs. Au contraire, on se laisse saisir par le calme, l'élégance et la poésie de l'histoire, par les nombreuses symboliques qui se recoupent, donnant à la trame des allures de conte initiatique ou de cheminement existentiel sur fond de rédemption.



Certains reprocheront sans doute à Gus Van Sant d'être tombé dans la facilité avec un cheminement parfois trop évidement et un côté allégorique poussé à l'extrême, pour ma part, je n'ai eu aucun mal à me plonger dans les souvenirs d'Arthur Brennan ou à me perdre à ses côtés dans Aokigahara (et il faut dire qu'il est difficile de ne pas se laisser embarquer par un personnage interprété par Matthew McConaughey, c'est un acteur qui dégage énormément et qu'il est fascinant de voir jouer). En tout cas, Nos souvenirs est le film qui me réconcilie avec le réalisateur (Peut-être pour l'avoir trouvé plus acceccible ? Peut-être pour Aokigahara ? Peut-être parce que je suis une inconditionnelle des quêtes existentielles pleines de symboliques ?) et qui me donne envie d'aller découvrir d'autres de ces films le plus rapidement possible.